Racines antiques de l’utopie : l’Âge d’or

<p>Le texte d’Ovide sur l’âge d’or</p>

Le texte d'Ovide décrivant l'âge d'or

Le poète grec Hésiode (VIIIe s. av. J.-C.) livre, dans Les Travaux et les Jours, la première version du mythe de l’âge d’or, ou, plus exactement, du mythe de la race (gènos) d’or, repris par la suite par de nombreux auteurs grecs et latins, notamment Ovide dans les Métamorphoses.

Le poète raconte comment cinq races d’hommes (race d’or, race d’argent, race de bronze, race des héros, race de fer) se sont succédées à la surface de la terre, depuis la création de l’homme par Cronos, jusqu’au présent du poète. Le récit établit une opposition radicale entre un passé éloigné, où les hommes vivaient comme des dieux et connaissaient un bonheur parfait, et un présent où ils sont accablés de maux.

L’âge d’or

L'âge d'or représenté au XVIIIe siècle

Les hommes de la race d’or jouissent d’une existence idyllique. Ils sont naturellement justes et ne connaissent ni la vieillesse, ni la maladie, ni le travail, car la terre produit d’elle-même et leur prodigue ses dons. Surtout, l’âge d’or se caractérise par la proximité originelle des dieux et des hommes, que seule la mort distingue.

Le mythe des cinq races ne se borne pas à raconter l’histoire de l’humanité depuis sa création. C’est aussi un récit qui vise à rendre compte de la condition humaine dans le présent : il possède une valeur étiologique. Le schéma de dégradation successive, race après race, depuis la race d’or jusqu’à la race de fer, celle du poète, explique pourquoi les humains mènent, à l’époque d’Hésiode, une vie misérable marquée par le travail, la maladie, les tourments physiques et moraux.

Il possède également une valeur prescriptive : en montrant, à travers l’histoire des cinq races, les effets contrastés de la justice (dikè), de la violence et de la démesure (hybris), le mythe engage les hommes à respecter la justice et la piété. Le récit se clôt sur la vision d’un avenir apocalyptique : alors que les hommes de la race d’or vivaient dans la proximité des dieux, si les hommes de la race de fer cessent de respecter ces valeurs, ils vivront comme des animaux.

Le mythe de l’âge d’or présente des points communs avec l’utopie : il décrit un monde idéal, où les hommes mènent une existence heureuse, un monde éloigné (ici dans le temps, et non dans l’espace, comme dans L’Utopie de More) de celui du poète. Pour autant, si le mythe de l’âge d’or, comme l’utopie, ne prend sens que par rapport à un présent décevant, il se contente d’offrir une vision nostalgique d’un passé à jamais révolu, et non un idéal à atteindre, un modèle de société à construire ; or l’utopie est programmatique, tournée vers l’avenir. Aussi peut-on voir dans le mythe de l’âge d’or l’une des sources de la pensée utopique moderne, mais non une proto-utopie au sens strict.

Liza Méry