Le Paradis terrestre ou le Jardin d'Éden

<p>Le paradis terrestre dans une Bible du XVII<sup>e</sup> siècle</p>

La création d'Ève par Dieu

Selon la Genèse, Dieu, après avoir créé l’homme, place un jardin en Éden, à l’Orient, où il met Adam, qui nomme alors tous les animaux. Dans ce jardin, se trouvent un fleuve dont naissent quatre bras ainsi que l’arbre de vie et celui de la connaissance du Bien et du Mal ; Ève, tirée de la côte d’Adam, y vit avec lui. Le serpent tentateur lui propose de manger le fruit de l’arbre de la connaissance, pourtant interdit par le Créateur. Ève cède et incite Adam à faire de même. Constatant cela, Dieu chasse les deux premiers être humains du Jardin d’Éden : il condamne Ève à enfanter dans la douleur et Adam à gagner son pain à la sueur de son front.

<p>Le paradis terrestre dans une Bible du XVI<sup>e</sup> siècle</p>

Dieu créant Ève

Chez les Pères de l’Église, des approches très différentes du texte biblique

Certains, comme Irénée et Théophile d'Antioche, qui ne sont pas nostalgiques du paradis perdu, pensent que c’est le tentateur qui a commis la faute et que Dieu a pitié de l'homme : le bannissement permet l’expiation et la mort existe pour que le péché ne soit pas immortel.

D’autres considèrent l’erreur des deux premiers hommes comme le péché originel, expression inventée par saint Augustin : la plus grande partie de l'humanité, celle qui n'aurait pas accès la rédemption, serait condamnée à l’Enfer. Si la Genèse ne parle pas de punition au delà de la mort, cette notion est annoncée par saint Paul.

C’est la deuxième approche qui prend rapidement le plus de place en Occident. La perception du paradis terrestre est dépendante de cette idée de péché originel : plus celui-ci est considéré comme grave, plus l’image de ce jardin perdu est belle, et inversement.

<p>Le paradis terestre dans une Bible du XVIII<sup>e</sup> siècle</p>

Le paradis terrestre

Au Moyen Âge, une quête jamais abandonnée

Durant tout le Moyen Âge occidental, les hommes croient que le Jardin d’Éden est toujours présent sur terre, mais qu’il est inacessible du fait que Dieu a placé des chérubins pour en interdire l’entrée. Certains le rapprochent du fameux et mythique royaume du prêtre Jean, qui a été localisé en Inde comme en Ethiopie.

On le représente souvent sous la forme d’un jardin clos car le mot d’ancien persan paridaiza (jardin clos) donne pardès en hébreu, que la Septante traduit, avec gan, terme hébreu classique pour le jardin, par paradeisos. À partir du XIIe siècle, quand la civilisation urbaine prend plus d’importance, le jardin est parfois remplacé par une ville ou une citadelle.

<p>Carte du Jardin d'Éden datant du XVII<sup>e</sup> siècle</p>

Carte du Jardin d'Éden datant du XVIIe siècle

À la Renaissance, la recherche des dernières traces

Les grands voyages d’exploration sont nés du désir de s’approcher du Jardin d’Éden afin de trouver des pays possédant d’importantes richesses et une végétation abondante ; mais ils invitent les hommes à penser que le Paradis terrestre a disparu, probablement durant le Déluge. Beaucoup continuent toutefois à en chercher les traces. Alors qu’on le place jusque là vers l’Orient, on se met à penser qu’il était peut-être localisé en Mésopotamie, voire en Arménie ou en Terre sainte. Certains évoquent également les Îles fortunées, qui se confondent peu à peu avec les Canaries.

Le goût pour l’Antiquité conduit également à introduire dans les descriptions du Jardin d’Éden de plus en plus de références aux mythes antiques, aux écrits d’Hésiode, Ovide ou encore Horace, aux descriptions de l’âge d’or ou des Champs Elysées.

<p>Un traité du XVII<sup>e</sup> siècle sur le Paradis terrestre</p>

Page de titre d'un traité de Tomas Malvenda

Le XVIIIe siècle découvre les premiers fossiles et en conclut que le monde n’a pas six mille ans. Puis, avec les théories de l’évolution, on comprend que l’homme n’a pas été créé en un jour. Au XXe siècle, même l’Église reconnaît qu’il n’existe pas de trace du Jardin d’Éden et qu’il n’a jamais existé.

Après une longue période de nostalgie de ce paradis perdu, apparaît l’idée de le construire sur terre. Les conceptions de ce jardin se laïcisent et se rapprochent de l’idée de progrès ; ce renouveau est très lié, du moins dans le monde anglo-saxon, avec les millénarismes.

Anne-Sophie Traineau-Durozoy